Les transactions électroniques ont connu une croissance impressionnante au Ghana passant de 12.5 milliards de dollars américains en 2016 à 81 milliards de dollars américains en 2020. Voulant profiter de cette manne financière, le gouvernement ghanéen envisage d’introduire le e-levy, une nouvelle taxe de 1.75% sur les transactions, dès 2022.
Comme vous allez le voir, cette décision rencontre l’opposition de nombreux ghanéens qui estiment qu’elle va à l’encontre de l’engagement du pays à faciliter les échanges numériques.
e-Levy : une taxe de 1.75% sur chaque transaction électronique
Le gouvernement Ghanéen a, par le truchement de son ministre des Finances Ken Ofori-Atta, annoncé une nouvelle taxe sur les transactions électroniques lors de la présentation du budget 2022.
Début février, cette mesure fiscale du nom de e-levy, prévoit un prélèvement de 1.75% sur les transferts mobile money, les virements bancaires et les paiements aux marchands. Ce montant s’ajoute au 1% que s’octroient les fournisseurs des services sur toute transaction électronique.
« Après de longues délibérations, le gouvernement a décidé d’imposer une taxe sur toutes les transactions électroniques pour élargir le filet fiscal et toucher le secteur informel. Cela sera connu sous le nom de prélèvement sur les transactions électroniques ou prélèvement électronique», a déclaré Ken Ofori Atta.
Le e-Levy va “tuer les entreprises”
L’annonce de cette nouvelle taxe a fait réagir plusieurs Ghanéens. Des entrepreneurs du secteur de la finance, des citoyens ordinaires et plusieurs hommes politiques ont fait savoir leur agacement quant à cette décision.
Dans le milieu financier, l’inquiétude est réelle. Dans un entretien accordé à Ghanaweb, Charles Adu qui est responsable national des relations publiques de l’Association des Agents Mobile Money, a qualifié cette taxe de « tueuse des entreprises » et alerté sur le fait qu’elle est “de nature à faire dérailler les efforts visant à transformer l’économie du Ghana en une société sans numéraire”.
La nouvelle taxe a aussi généré la peur auprès d’autres citoyens Ghanéens. Selon la Mobile Money Agents Association, le lendemain de l’annonce de la mise en place du e-Levy, des retraits astronomiques ont été enregistrés à travers les pays.
En effet, plusieurs ghanéens préfèrent garder leur argent en liquide, craignant que leurs économies ne soient ponctionnées par cette nouvelle taxe. Une telle situation constitue un recul déplorable pour un pays qui se dit à la pointe de la promotion des opérations financières numérisées.
L’opposition parlementaire pour la suppression du e-Levy
Sur le plan politique, l’annonce du budget 2022 a entraîné le boycott des discussions à l’Assemblée nationale par l’opposition parlementaire ghanéenne qui exigeait l’annulation pure et simple du e-Levy ou son rabais à un taux situé entre 0,5% et 1%.
Preuve de l’importance du sujet pour les Ghanéens, le budget 2022 a été rejeté par le parlement le 26 Novembre 2021. Ce qui n’était plus arrivé dans ce pays depuis 40 ans a de quoi réjouir le député Sam Dzata George, élu de la circonscription de Ningo-Prampram.
Dans un tweet, ce dernier annonçait avec enthousiasme le rejet de la proposition par le parlement.
« Le budget 2022 a été rejeté par le parlement. En tant que minorité, nous avons pris position avec le peuple ghanéen pour rejeter un budget qui comportait l’odieux e-Levy, l’augmentation des frais et des charges du gouvernement, l’accord Agyapa et des fonds pour le mur de défense maritime de Keta. Une victoire pour le Ghana »
Une taxe non abandonnée mais revue à la baisse
Face à la pression de l’opposition parlementaire, aux protestations des entrepreneurs et des citoyens Ghanéens, le gouvernement semble prêt, non pas à annuler la taxe mais à la réduire de seulement 0.25%.
Le 30 novembre dernier, le chef adjoint de la majorité parlementaire, Alexandre Afenyo-Markin a annoncé que le e-Levy serait réduit à 1,5 %. La loi a finalement été votée malgré les protestations de l’opposition parlementaire qui exigeait un taux ne dépassant pas les 1%.
Il n’est pas évident que les Ghanéens dont l’économie a été durement touchée par les restrictions imposées par la lutte contre la pandémie de COVID-19 supportent une coupe financière d’un tel niveau.
Pourtant, avec l’annonce du lancement du e-Cedi par la Bank of Ghana, les autorités du pays affirmaient vouloir favoriser l’inclusion financière notamment en réduisant les coûts des transactions numériques. L’introduction de la nouvelle taxe compromet largement ces objectifs ambitieux.