L’omniprésente malédiction de l’inflation

Inflation et malédiction

L’inflation est ce phénomène à la base de la perte du pouvoir d’achat. Au fil du temps, plusieurs monnaies se sont effondrées avec pour cause majeure, et toujours la même, la manipulation par le régulateur officiel, l’Etat lui-même. En effet, comme vous allez le voir, l’inflation fait désormais partie de nos vies, le tout sous la bénédiction de pouvoirs publics.  

L’Etat et la monnaie : l’inflation est la règle

L’expérience de siècles passés a démontré que le mariage entre la monnaie et les pouvoirs publics se solde toujours par un désastre. Si vous avez le moindre doute sur ce fait, rien d’inquiétant; à travers les exemples que nous allons développer plus bas, nous allons voir ensemble combien la manipulation pernicieuse de la monnaie  par l’autorité politique remonte dans les temps anciens et pourtant, cette union qu’Etats et économistes s’obstinent à éterniser a montré ses limites. Faisons un peu d’histoire, question de rafraîchir les mémoires : 

Rome, IIIèmesiècle : la monnaie fait la geurre

Les dépenses militaires du troisième siècle auraient entraîné des dévaluations successives de la monnaie. En 274 Aurélien aurait tenté de limiter l’inflation en  réduisant le taux d’émission de l’antominien (une pièce de monnaie recouverte de cuivre et d’argent). La révolution de sa réforme était le fait que pour une fois l’antominien pouvait avoir un poids et un “titre” fixe. A l’absence de la dégradation des monnaies (diminution du poids, etc), la hausse des prix ne constituait plus une menace systémique pour la monnaie. Jusqu’aux années 300, la monnaie fut stable car  Dioclétien avait maintenu la politique monétaire initiée par Aurélien. En outre, l’an 307 a signé le retour des anciennes pratiques consistant à réduire le poids des pièces de monnaies afin d’augmenter la capacité de création monétaire. 

Rome, 264 avant J-C. Ph/Larousse

L’impression sans limite de la monnaie permettait à l’empire de financer ses conquêtes. Les gains (pillages) provenant des campagnes de l’armée permettait à Rome d’avoir une économie solide. Selon J.K. Galbraith «les Romains réussirent à dominer le monde pendant des siècles avec et peut-être grâce à une monnaie fondante». Comprenons par ces propos que Rome dévaluait successivement sa monnaie pour pouvoir payer ses nombreux soldats un peu comme ce que font les Etats-Unis, encore à nos jours, avec ses multiples campagnes de guerre en Asie (Vietnam, Afghanistan, Irak, Syrie, etc).  

Allemagne, VIIIèmesiècle 

Lorsque Charlemagne, empereur de la dynastie carolingienne, fut en cours des liquidités suite à la rareté de l’or en occident,  il ne trouva d’autre solution que la création d’une nouvelle monnaie, le denier d’argent. Bien qu’il ait permis une renaissance économique, l’inflation a pointé son nez. 

Certains textes des canons renseignent qu’à l’époque, pour tenter de contrer la hausse des prix, le roi pouvait fixer de façon unilatérale le prix des céréales, des légumes du vin et des fourrures. Il s’insurgeait de toutes ses forces contre les acteurs économiques qui militaient pour augmenter les prix ; comme pour affirmer encore une fois la dépendance du reste de la société aux humeurs des dirigeants et non à la valeur intrinsèque de la monnaie. Une situation similaire se passe actuellement au Congo (RDC) où le gouvernement tente de baisser le prix de produits de première nécessité. Et comme toujours, l’efficacité d’une telle décision semble relever de la “magie” comme le témoigne un habitant de Kinshasa. 

L’éternelle répétition des erreurs du passé 

Depuis plusieurs siècles, l’or a fait office de moyen d’échange durable dans le temps. A chaque fois qu’il a été abandonné pour un outil moins rare, cela s’est soldé par une disparition pure et simple de la monnaie et ensuite un retour à l’or. Nous sommes en plein milieu de ce cycle voué à se répéter.

Il y a cent ans que le processus d’une énième abandon de l’étalon d’or a pris forme; encouragé par les crises économiques entre 1021 et 1929. A l’époque, le monde traverse une période dure après la première guerre mondiale. Après la conférence de Gênes en 1922, seuls le dollar et la livre Sterling restent liés à l’étalon-or; mais Londres y renonça rapidement en 1931. 

En 1944, aux Accords de Bretton Woods, le système financier international est profondément transformé. A la fin des négociations, le dollar américain fut retenu comme monnaie de réserve mondiale; avec un rattachement à l’or. Moins de 30 ans après, en 1971, le Président Nixon abandonne “temporairement” l’étalon-or au plus fort de la guerre du Vietnam, le pays de l’oncle Sam s’est vu incapable de maintenir le prix de l’once d’or à 35 dollars. L’administration américaine a alors pris la décision d’arrêter d’indexer le dollar US  à l’or afin de payer la facture de la guerre par la planche à billets.  

L’abandon officiel de l’étalon-or

Après la décision des Etats-Unis, les Accords de la Jamaïque de 1976 instituent un système de flottement des monnaies : ces dernières s’échangent librement entre elles suivant la loi de l’offre et de la demande en fonction de la quantité de crédits émise par chaque Etat. C’est là que le monde abandonna, une fois de plus, l’or l‘or en tant que monnaie de réserve internationale. 

Autrement dit, la gestion de la monnaie a été laissée à la merci des pouvoirs publics. Depuis, ils ont carte blanche pour imprimer de la monnaie sans limite. Comme on pouvait s’y attendre, les banques centrales du monde entier activent tous, depuis cette année, la planche à billets pour couvrir les difficultés financières des gouvernements et cela sans une réelle consultation des populations qui sont obligés de payer, par la hausse des prix, toutes les mauvaises décisions des banquiers centraux.  

Le pouvoir d’achat en chute libre 

Les personnes les plus pauvres ont payé le prix le plus fort suite à l’augmentation de la masse monétaire; notamment au Zaïre (actuellement République Démocratique du Congo), où la flambée des prix avait atteint plus de 80 pourcent en 1976. Nous avons expliqué l’histoire de la monnaie de ce pays dans notre précédent article.  

Plus au Nord, au Nigéria, en 1993, le général Sani Abacha arrivait au pouvoir alors que le taux du Naira chutait brutalement contre le dollar US. Pour tenter de stabiliser l’économie, la nouvelle administration prit alors une mesure radicale ; celle d’imposer un taux fixe de 22 Nairas (NGN) pour un dollar. En vain. Cinq ans après, pour obtenir un dollar il fallait débourser 88 Nairas, soit un effondrement de 400%. 

Ces situations ne sont pas de l’histoire ancienne. Aujourd’hui, il faut 2050 Francs Congolais (CDF) pour obtenir un dollar. Pourtant, à l’introduction du CDF, un seul franc avait la valeur de 0.77 USD selon wikipédia. Quant au Naira (NGN), il en faut désormais 411 pour un dollar américain. 

Plusieurs autres pays vivent des situations similaires, voire pires. C’est le cas du Zimbabwé, du Vénézuela et du Liban où les monnaies nationales se sont effondrées de façon très rapide. Fait plus grave, la monnaie qui nous sert de référence, le dollar US a lui-même perdu plus de 90% de sa valeur face à l’or depuis 1971, une date à retenir comme “celle qui a ôté à la monnaie sa valeur intrinsèque.”

Peut-on arrêter l’inflation ? 

Sans y aller par quatre chemins, “la question est vite répondue” ; c’est une évidence, l’inflation est là pour rester, tant que la planche à billets sera au pouvoir pour arroser les marchés financiers sous prétexte de soutenir l’économie. 

En effet, les Etats impriment régulièrement de la monnaie pour venir en aide aux entreprises fantômes. Ce phénomène a alimenté toutes les bulles financières de ces 20 dernières années, menant à des crises successives : 1998, 2008 et bientôt une nouvelle ? 

En 2020, la situation n’est pas prête de s’arrêter. La crise du Codvid19 a réveillé les démons au sein des banques centrales. La Réserve fédérale américaine (FED) a imprimé plus de 20% de la masse monétaire du dollar US en moins d’un an. Du côté de la BCE (Banque Centrale Européenne), la situation est similaire. 

Les conséquences n’ont pas tardé. L’on assiste un peu partout dans le monde à une hausse phénoménale des prix et cela n’est visiblement pas près de s’arrêter. Le fait pour les banquiers centraux de communiquer aisément sur la décision de laisser courir l’inflation à 2% chaque année donne une réponse qui nous semble définitive : l’inflation est là pour encore longtemps et fait partie du plan économique et peut être des futures promesses électorales? 

Gloire

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