Deux jeunes Nigérians affirment avoir été victimes d’extorsion de l’équivalent de 22 millions de Naira en Bitcoin en Juillet 2021 après avoir été arbitrairement arrêtés et torturés par la Police.
Un 14 Juillet 2021 noir pour deux jeunes Nigérians
Alors qu’ils roulaient tranquillement sur les rues de Lagos, la capitale du Nigéria, Morakinyo Tobiloba Peter et Yusuf Samson Dayo se sont vus encerclé par des éléments de la police Nigériane sous le commandement d’un officier se faisant appelé “Osas”.
Accusés sans moindre preuve d’être des arnaqueurs, les deux jeunes œuvrant dans l’immobilier ont vu leurs téléphones ravis avant d’être tabassés comme en témoigne le récit qu’ils ont fait devant le département des enquêtes criminelles.
« Comme nous n’avions rien à cacher, nous leur avons effectivement remis nos téléphones comme ils l’exigeaient. Ils n’y ont rien trouvé d’incriminant, mais à notre surprise, ils nous ont ordonné de les suivre au poste de police. Nous leur avons alors expliqué que pour qu’on leur obéisse, il fallait qu’il nous dise les infractions que nous avions commises. Cependant, ils se sont mis à nous battre pour désobéissance aux ordres».
Après avoir torturé les deux jeunes hommes, les agents de police leur ont finalement dit le motif de leur arrestation avant de les conduire au commissariat de police. Morakinyo Tobiloba Peter et Yusuf Samson Dayo ont notamment été qualifiés d’arnaqueurs sur base de leur habillement.
« Ils ont prétendu que nous étions trop bien habillés pour ne pas être des arnaqueurs. Nous les avons suppliés et leur avons montré que nous étions des agents immobiliers. Nous leur avons même donné nos cartes d’identité et leur avons parlé de certains de nos projets en cours, mais ils n’ont pas voulu nous écouter. Pour eux, nous étions des arnaqueurs. » affirment-ils.
Le supplice au commissariat de police
Amenés contre leur gré au commissariat de police, les deux jeunes hommes affirment avoir été brièvement détenus dans une cellule où ils ont encore été victimes d’actes de torture.
C’est aussi au commissariat qu’il leur a été clairement notifié le motif de leur arrestation. Pour les agents de la police, les deux jeunes hommes pratiquaient le trading du bitcoin et étaient de ce fait des Yahoo boys, un terme utilisé au Nigéria pour désigner les arnaqueurs sur le web. Soumis à de fortes tortures, les deux jeunes hommes ont été contraints d’avouer les faits mis en leur charge.
« Ils nous ont installés dans la même cellule et ont confisqué nos téléphones portables. Quelques heures plus tard, les policiers sont revenus et ont allégué qu’ils savaient que nous faisions du trading en utilisant du bitcoin… Ils ont commencé à nous battre et à nous appeler Yahoo boys. En dépit de tout ce qu’on disait [pour expliquer que nous étions des agents immobiliers], ils ont continué de nous battre et ont dit que nous devions écrire une déclaration… Nous avons écrit les déclarations et ils les ont déchirées en morceaux et ont écrit une autre déclaration pour nous et nous ont forcés à la signer. Nous avons signé la déclaration et ils les ont emmenés devant leur patron, DSP Cordelia Nwanue avec le numéro de force 145341, section administrative, annexe FCID, Alagbon Lagos »
Extorsion de 22 millions de Naira en bitcoin
Morakinyo Tobiloba Peter et Yusuf Samson Dayo n’étaient certes pas des traders de bitcoin mais ils en détenaient comme la plupart des Nigérians qui se protègent ainsi contre la perte de valeur du Naira, la monnaie officielle du pays.
Pour les libérer, les agents de police ont exigé le payement d’une caution de 22 millions de Naira en Bitcoin et non en monnaie Nigériane. Lorsque les deux jeunes hommes ont dit ne pas avoir la capacité de payer une amende si exorbitante, ils ont été menacés de mort par l’officier de police « Osas » lui même.
« L’officier appelé Osas, c’est lui qui nous a emmenés dans la cellule et a menacé de nous tuer tous les deux si nous ne pouvons pas leur transférer les 20 millions de nairas en bitcoins. Quand il a pointé son arme sur nous, nous lui avons dit qu’il devrait retirer l’argent de notre portefeuille, il a insisté sur le fait qu’il voulait du bitcoin et pas de naira, il a fourni un autre portefeuille bitcoin et il a transféré l’équivalent de 22 millions de nairas »; affirment les deux victimes.
Une enquête serait en cours
Les deux victimes ont contacté des activistes des droits de l’Homme ainsi que les autorités Nigérianes pour dénoncer cette injustice, obtenir la restitution de leur argent ainsi que des poursuites judiciaires contre l’officier de police “Osas” et sa bande. L’avocate Adegbola Odunyemi qui assure la défense des victimes a notamment appelé les responsables de la police et les autorités civiles Nigérianes à enquêter sur cet incident en vue d’établir les responsabilités et remettre ses clients dans leur droit[1].
« J’appelle par la présente le bureau de l’inspecteur général de la police, le Ministre de la Police, le président de la Commission des services de police, le Président de la Chambre des représentants, le Président du Sénat et Son Excellence, le Président Muhammadu Buhari, pour nous aider à récupérer cet argent auprès de ces éléments criminels se faisant passer pour des policiers. Mes clients sont des agents immobiliers et c’est la baisse du Naira qui les a poussés à convertir leur argent en bitcoin. Ils ne sont pas des Yahoo Boys“; a-t-elle déclaré.
Les abus contre des citoyens Nigérians par les services de sécurité prétextant combattre le bitcoin sont courants au Nigéria. Le 16 Novembre par exemple, Adebayo Sulaimon et son colocataire ont été arrêtés dans la ville d’Ilorin au Nigéria pour trading des crypto-monnaies et ont dû payer une amende forfaitaire pour être libérés. Ce récit illustre à quel point la lutte contre le bitcoin lancée au Nigéria en début d’année est devenue un prétexte pour violer impunément les droits humains dans le pays.