Fermeture de comptes bancaires, arrestations arbitraires : le Nigéria en croisade contre le bitcoin

Le Nigéria est le pays où, selon Finder, plus de 24% de la population utilise régulièrement le bitcoin. Quant au Global Consumer Survey, il estime l’adoption du bitcoin au Nigéria à plus de 42%. Comme on pouvait s’y attendre, le pouvoir en place au Nigéria ne pouvait pas rester indifférent face à la montée en puissance du bitcoin au détriment du Naira, la monnaie officielle du pays, frappée par l’inflation.

Arrestations arbitraires, censure bancaire,… tous les moyens sont utilisés pour dissuader la population de se tourner vers l’invention de Satoshi Nakamoto.  

Comptes bancaires menacés de fermeture

Dans une note interne consultée par le site Leadership, une banque commerciale appelle son personnel à une surveillance accrue et la fermeture des comptes bancaires des clients soupçonnés d’utiliser les crypto-monnaies

L’objectif de cette opération serait de «rendre la banque plus sûre et protégée des activités des criminelles, des gangs organisés, des blanchisseurs d’argent et des financiers du terrorisme ». Ainsi, la banque aurait instruit son personnel “d’identifier les entités effectuant des transactions ou exploitant des plateformes d’échanges des crypto-monnaies […] et de s’assurer que ces comptes soient fermés immédiatement » peut-on lire dans la note interne. 

Cette dernière étend le champ de surveillance aux comptes des personnes et entreprises ayant des “transactions quotidiennes multiples et importantes”. Pourtant, une telle généralisation hasardeuse prête à confusion et risque d’affecter même des personnes n’utilisant pas le bitcoin.  

Preuve de la ferme volonté de cette institution bancaire d’en finir avec le bitcoin dans le pays, la note interne menace de sanctions tous les agents qui cacheront des informations compromettantes. “tout membre du personnel qui volontairement ne divulgue pas un compte utilisé pour des transactions de crypto-monnaie sera sanctionné conformément aux dispositions de la grille de sanctions de la banque ». 

Des arrestations arbitraires des bitcoiners signalées 

Face à l’attrait de plus en plus croissant des jeunes Nigérians pour le Bitcoin malgré les restrictions, les autorités du pays recourent maintenant aux formes de dissuasion violentes en violation des droits humains. 

Dans la ville d’Ilorin au sud-ouest du Nigéria, Adebayo Sulaimon, 23 ans, et son colocataire ont été arrêtés le mardi 16 Novembre 2021, rapporte la Thomson Reuters Foundation. La police les accusait de trader les cryptomonnaies, une activité qui n’est pourtant pas illégale dans le pays. Les deux jeunes ont dû payer 120 000 Nairas (près de 300 USD) à la police pour recouvrer leur liberté et reprendre leur activité économique : le trading. Selon Adebayo Sulaimon, acheter et vendre les cryptomonnaies ce qui lui permet de survivre dans un pays où plus de 33% de la population est au chômage

«Il n’y a pas de travail, rien à faire. Nous devons chercher des moyens de manger. J’utilise la cryptomonnaie pour survivre, pas comme une activité secondaire“, a déclaré Adebayo Sulaimon à la Thomson Reuters Foundation après une garde à vue de près de 5 heures de temps.

Les batailles perdues contre bitcoin 

Ce n’est pas la première fois que le Nigéria lance dans une campagne répressive pour freiner l’engouement des Nigérians pour le bitcoin. Le 05 Février 2021, la Central Bank of Nigeria (CBN) s’était farouchement opposée à l’adoption du bitcoin dans le pays, enjoignant aux banques de fermer les comptes des personnes impliquées dans des transactions des crypto-monnaies. La CBN avait par la suite gelé les comptes de certaines personnes ainsi que de sociétés qui, selon elle, contrevenaient à la directive. 

Ces restrictions avaient entraîné des bouleversements importants dans la cryptosphère comme la suspension des dépôts en Naira sur Binance. A l’époque, toutes les plateformes d’échange centralisées ont eu du mal à opérer dans le pays. 

Cependant, malgré les restrictions, le taux d’adoption du bitcoin dans le pays n’a tout de même pas été affecté. En effet, les utilisateurs du bitcoin se sont tournés vers les plateformes Peer to Peer qui, pour fonctionner, ne nécessitent aucune rampe d’accès auprès des institutions bancaires traditionnelles.  

Le 25 octobre 2021, le gouvernement a lancé un autre dispositif censé concurrencer et détrôner le bitcoin. Il s’agit du eNaira, une version numérique du Naira. Mais comme nous l’avons vu dans un précédent article : le eNaira ne peut procurer aux nigérians la liberté financière moins encore la sécurité de la valeur ni la vie privée qu’ils peuvent obtenir grâce au bitcoin. 

L’avertissement “ignoré” du vice président nigérian 

S’il y a un responsable politique qui avait anticipé le danger d’une tentative d’étouffement du bitcoin et prédit le fiasco qui résulterait d’une telle attitude, c’est bien Yemi Osibanjo, le vice-président du Nigéria.  En effet, un mois seulement après l’action de la Central Bank of Nigeria interdisant aux banques commerciales à fournir les services bancaires aux utilisateurs des crypto-monnaies, Yemi Osibanjo avait pris la défense des cryptos, appelant le régulateur à ne pas réprimer le secteur. 

Au cours du forum du comité des banquiers du pays il avait estimé qu’

Il ne fait aucun doute que la technologie blockchain en général et les crypto-monnaies en particulier vont, dans les années à venir, remettre en question le système bancaire traditionnel d’une manière que nous ne pouvons pas encore imaginer, et nous devons donc nous préparer à ce changement qui pourrait survenir plus tôt que tard”.

M. Osinbanjo avait ensuite appelé à mettre en place un régime réglementaire qui réponde aux différentes préoccupations “sans tuer la poule aux œufs d’or”. 

Les restrictions bancaires et les arrestations arbitraires des utilisateurs du bitcoin dans le pays ont un seul objectif : détourner la population nigériane du bitcoin au profit du Naira, la monnaie officielle du pays. Un objectif que l’Etat Nigérian pourrait ne jamais atteindre aussi longtemps qu’il n’aura pas résolu les causes profondes de l’attrait des Nigérians pour le bitcoin : l’inflation, le chômage des jeunes et les difficultés de transfert des fonds. 

Stewart

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