
Le Ghana est un des premiers Etats Africains à avoir annoncé en 2021, le développement d’une Monnaie Numérique de Banque Centrale. Bien que le pays ait été devancé par le Nigéria, le Ghana tient toujours à lancer le e-Cedi. Les motivations de ce projet ont été exposées à travers un document publié par la Banque Centrale.
CBDC, un outil stratégique pour le Ghana
La Banque du Ghana (BoG) a publié un document dans lequel l’institution expose ses motivations à développer une monnaie numérique de banque centrale dans le pays et les avantages qu’une telle réforme pourrait apporter à l’économie Ghanéenne.
Dans ce document d’une trentaine de pages, la BOG note que dans un contexte mondial de forte numérisation de l’économie “la CBDC est d’une importance stratégique pour une société progressiste et numériquement inclusive“.
Selon la Banque du Ghana, le développement d’une CBDC pourrait faciliter l’atteinte de certains objectifs stratégiques, notamment l’inclusion financière, la numérisation de l’économie et la lutte contre les monnaies numériques non contrôlées (allusion aux cryptomonnaies).
Le e-Cedi pour promouvoir l’inclusion financière ?
Selon la Banque du Ghana, son e-Cedi facilitera la réalisation de la stratégie nationale d’inclusion financière et de développement. Elle vise à accroître l’accès aux services financiers formels à 85 % d’ici 2023 dans ce pays où seuls 58% de la population ont un compte bancaire selon un rapport de la Banque mondiale.
Pour faciliter l’accès d’un plus grand nombre à l’e-Cedi, la banque du Ghana a conçu deux types de portefeuilles : les portefeuilles hébergés et gérés par des institutions financières et les portefeuilles matériels qui devraient être détenus par des particuliers.
Si l’utilisation du portefeuille hébergé nécessite un accès à Internet, le portefeuille matériel fonctionne hors ligne. Ainsi, “l’absence de réseaux de données mobiles dans les zones rurales du Ghana ne devrait pas constituer un obstacle à l’utilisation de l’e-Cedi” peut-on lire dans le document.
La Banque du Ghana n’a tout de même pas fait savoir que les utilisateurs devront relier leurs portefeuilles eCedi aux comptes bancaires comme c’est le cas au Nigéria où les non bancarisés sont pratiquement exclus de l’usage du eNaira.
Des transactions gratuites pour accélérer la numérisation de l’économie
La banque du Ghana estime également que sa CBDC devrait accélérer la numérisation de l’économie Ghanéenne qui pourrait à son tour booster l’adoption des paiements numériques. Une partie non négligeable de la population Ghanéens est déjà habituée à effectuer des transactions électroniques.
Rien qu’en 2020 par exemple, la valeur totale des transactions via mobile money a augmenté de 82,4 % par rapport à 2019 tandis que les titulaires de comptes mobile money enregistrés ont augmenté de 18,5 % dans le pays.
Pour attirer le plus des Ghanéens vers l’utilisation du e-Cedi et en faire un concurrent sérieux à l’argent liquide ainsi qu’au mobile money, la banque du Ghana prévoit de rendre les transactions en CBDC gratuites et plus rapides.
Toutefois, pour prévenir les perturbations de l’espace de paiement existant, l’institution envisage “d’intégrer l’e-Cedi aux systèmes de paiement interbancaires existants et à la plate-forme d’interopérabilité de l’argent mobile exploitée par Ghana Interbank Payment and Settlement Systems Limited”.
La BOG veut Combattre les monnaies numériques privées
La Bank of Ghana ne le cache pas : un des objectifs majeurs du développement de la monnaie numérique de banque centrale est de lutter contre les monnaies numériques privées comme le bitcoin (BTC).
Elle espère ainsi voir les Ghanéens se détourner des crypto-monnaies qu’elle ne sait pas contrôler au profit du e-Cedi. Comme annoncé dans sa note, le e-Cedi sera sous son contrôle total. Seule la BOG pourra l’imprimer ou le détruire.
En tant que version électronique de la monnaie nationale, sa valeur ne sera pas différente de celle du Cedi, qui, rappelons-le, est exposée à l’inflation et à tous les maux engendrés par la création monétaire sans limite.
Le e-Cedi tiendra-t-il ses promesses ?
Comme l’a fait le eNaira avant lui, l’e-Cedi Ghanéen apporte son lot de promesses de révolution financière aux citoyens. Il faut avouer que les principes de développement de l’e-Cedi tels que présentés par la banque du Ghana corrigent certaines imperfections du eNaira de la Central Bank of Nigeria.
De ce point de vue, on peut raisonnablement s’attendre à des résultats plus probants en termes d’inclusion financière et de faciliter à procéder aux transactions financières. Toutefois, la forte centralisation ainsi que cette exposition à la perte de valeur pourraient pousser la population Ghanéenne à se méfier de la CBDC.
Certains manifestent déjà publiquement leur scepticisme vis-à-vis de l’e-Cedi dont le projet de développement est basé sur “l’ancienne pensée financière traditionnelle cloisonnée”.
Afroblocks, une association œuvrant dans le secteur de la Blockchain au Ghana, a par exemple appelé la banque centrale à “imiter des projets financiers sans frontières et décentralisés” plutôt que de développer une monnaie numérique de banque centrale.
La banque du Ghana semble être à l’écoute des inquiétudes et critiques soulevées par différents acteurs sur le développement d’une CBDC. Elle a ainsi appelé les particuliers, les banques, les entreprises FinTech et les universitaires à émettre leurs commentaires sur les principes de conception du eCedi par mail ou via ce formulaire en ligne.